Mindfulness

Le terme anglais mindfulness, proposé par Jon Kabat-Zinn, le fondateur de la discipline dans sa forme laïque et soignante, est habituellement traduit en français par « pleine conscience ». Mais pour certains, ce terme ne serait pas adéquat, et il serait préférable de plutôt utiliser « pleine présence » ou « pleine attention« .

« Pleine conscience » aurait, selon eux, l’inconvénient de suggérer un effort à accomplir pour se rendre conscient, et renverrait à un phénomène complexe, alors que « pleine présence » suggérerait une démarche plus simple : se contenter d’être là, présent à ce qui se passe en soi et autour de soi.  D’autres pensent que le terme « pleine attention » est plus proche encore du mécanisme central à l’œuvre dans chaque exercice, où les participants sont sans cesse invités à « prêter attention à », leur souffle, leurs sensations, les sons, etc. 


En fait, comme souvent dans ce genre de débat terminologiques, les trois termes ont leurs avantages et leurs inconvénients. Et, d’ailleurs chaque séance de méditation fait traverser des moments où chacun des trois prédominent : la pleine attention aux mouvements de la respiration permet souvent l’entrée dans l’exercice; la pleine présence, simple, dépouillée à tout ce qui compose notre expérience de l’instant (souffle, corps, sons, pensées) est le passage obligé pour désolidariser notre système de pensée de notre expérience vécue; puis commence le travail de pleine conscience proprement dit : progressivement, à la fois dans l’expérience et en recul d’elle, nous comprenons ce que nous sommes en train de vivre, l’influence de nos émotions sur nos pensées, l’arrivée d’impulsions ou de sensations et la manière dont notre esprit y réagit, etc. 


Ce débat ressemble à la fable Indienne des aveugles et de l’éléphant. 

« Six hommes d’Inde très enclins à parfaire leurs connaissances, allèrent voir un éléphant bien que tous fussent aveugles — afin que chacun, en l’observant, puisse satisfaire sa curiosité. Le premier s’approcha de l’éléphant et perdant pied, alla buter contre son flanc large et robuste. Il s’exclama aussitôt : « Mon Dieu ! Mais l’éléphant ressemble beaucoup à un mur ! » Le second, palpant une défense, s’écria : « Oh ! qu’est-ce que cet objet si rond, si lisse et si pointu ? Il ne fait aucun doute que cet éléphant extraordinaire ressemble beaucoup à une lance ! » Le troisième s’avança vers l’éléphant et, saisissant par inadvertance la trompe qui se tortillait, s’écria sans hésitation : « Je vois que l’éléphant ressemble beaucoup à un serpent ! » Le quatrième, de sa main fébrile, se mit à palper le genou. « De toute évidence, dit-il, cet animal fabuleux ressemble à un arbre ! » Le cinquième toucha par hasard l’oreille et dit : « Même le plus aveugle des hommes peut dire à quoi ressemble le plus l’éléphant ; nul ne peut me prouver le contraire : ce magnifique éléphant ressemble à un éventail » Le sixième commençait tout juste à tâter l’animal, lorsque la queue qui se balançait lui tomba dans la main. « Je vois, dit-il, que l’éléphant ressemble beaucoup à une corde ! » Ainsi, ces hommes d’Inde discutèrent longuement, chacun faisant valoir son opinion avec force et fermeté. Même si chacun avait partiellement raison, tous étaient dans l’erreur. »

En fait, chacun des personnages dit vrai, mais à propos d’une partie seulement de l’animal. Cette fable est fréquemment utilisée en Inde pour illustrer l’Anekāntavāda (en sanskrit devanāgarī : अनेकान्तवाद). Une importante et fondamentale doctrine du jaïnisme. Sa traduction pourrait être : « réalité relative ». Elle se réfère à deux doctrines :

  • Les points de vue multiples : le nayavada ;
  • La relativité des objets et des êtres dans le temps et l’espace : le syadvada.

De même pour cette histoire de mindfulness, les trois appellations sont vraies, et correspondent aussi à des moments ou des cheminements différents de la pratique. Il semble donc logique de continuer de s’en tenir au terme « pleine conscience ». C’est en effet le plus ancien ; le maitre zen vietnamien Tich Nhat Hanh popularisa le terme avec son ouvrage « Le miracle de la pleine conscience », paru en France en 1994. Et alors que la méditation connait un développement et une popularité sans précédent, quels bénéfices aurions-nous à modifier la terminologie ?

Finalement, le choix de la simplicité, effectué par les Belges et les Suisses, qui ont gardé telle quelle l’appellation anglaise mindfulness était peut-être aussi celui de la sagesse…

Source : Cerveau & Psycho « les pouvoirs de la méditation », mars-avril 2021

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